
Flandaria la magnifique
– Aly !
– Zitron !
– Aly !
– Non, c’est mort je ne jouerai pas à ce jeu. Bienvenue à vous en tous cas, pour une petite visite guidée ! Vous allez découvrir la ville la plus majestueuse de l’étoile.
– Ouais, enfin, si Magéari n’était pas en ruine…
– Ne rage pas Zit, ton doux visage de prépubère va attraper de vilaines rides…
– Et le tiens va se manger une bonne claque sans l’avoir volée, Gab.
– Toujours sur la défensive ! Il n’empêche que je rejoins Aly. Flandarem à côté est la pire des abominations.
– Et dire qu’avant on les appelait les villes jumelles.
-Eh ben y en a une qui s’est mangé une bonne claque de Zitron…
– Ce que je propose les gars, je fais la visite et vous me reprenez si vous avez des choses à ajouter hein !
– Comme tu le sens, c’est ta ville après tout.
– Bien. Déjà, il faut savoir que Flandaria se situe au sud-ouest de la zone habitable de l’étoile, à la limite de la barrière des vents qui borde le Grand Désert. Elle surplombe la forêt des Flandrins, composée exclusivement d’épicéa, se dressant comme une armée qui dévale la colline pour se jeter dans la plaine au Nord et à l’Est. Quand les Flandres sont arrivés après une longue période d’errance, cette large colline qui se dressait devant eux représentait le terrain idéal pour construire leur nouvelle vie. Depuis le début du millénaire, les frontières des remparts n’ont pas bougé malgré l’accroissement de la population. En revanche, la hauteur des habitations bat des records ; l’immeuble le plus grand mesure 104 mètres de haut, c’est la prouesse architecturale du siècle ! Ces hautes structures de marbre aux toits d’ardoise couvrent une grande partie des pentes Nord, Est et Sud de la colline. Quand on arrive vers son sommet, les domaines des plus grandes familles Flandres entourent le parc royal. Ce sont des espaces boisés qui cachent de magnifiques demeures aux grandes fenêtres décorées. Et enfin il y a le château qui surplombe la colline, entouré d’un haut mur le séparant du reste du monde. Les drapeaux bleus aux deux roses flottent au rythme du vent sur les toits et les murs extérieurs. La cour donne sur une grille qui mène directement à la ville et l’avenue principale qui scinde la ville en deux jusqu’aux remparts externes.
– Mais pourquoi le marbre d’abord ? Et l’ardoise ?
– Le marbre vient des montagnes enneigées. En traversant Pigrine, à l’époque ou les rapports entre les Pigrins et Les Flandres étaient houleux, ces derniers se sont fait chasser à coup de pierres. Hors ces pierres étaient en fait des débris de marbre. Leur chef garda quelques cailloux et passa par la Forêt Morte au Nord pour aller en récolter sans que les Pigrins, situé plus au Sud ne s’en aperçoivent. Et c’est durant leurs allers-retours que les Flandres ont découvert les gisements d’ardoise souterrains dans la Forêt Morte. Ils ont dû faire face à bon nombre d’attaque de gobelins mais ont progressivement réussi à les chasser de là-bas pour les parquer dans les montagnes. Le marbre et l’ardoise sont les symboles de notre détermination et de notre courage. Et grâce à ces gisements, Flandaria a pu développer une économie prospère qui fait d’elle l’une des villes les plus riches de l’étoile. Elle est reconnue pour sa beauté et sa clarté. Sa pureté même. C’est la ville des richesses, de la sérénité et du confort. Malgré les nombreuses périodes de disette suite aux différentes guerres et crises politiques, elle est toujours restée la même.
– C’est d’ailleurs étonnant qu’avec Daniel, Flandaria n’est pas fini à feu et à sang…
– On peut au moins lui reconnaître ça. Après la guerre du Sang contre les Hommes, Daniel avait certes des méthodes peu recommandables, mais qui ont porté leurs fruits. Des restrictions drastiques, une milice implacable et deux ou trois exécutions publiques quoi… Bon il y avait d’autres moyens, je pense, d’arriver au même résultat.
– C’est discutable…
– Mais on n’est pas là pour ça ! Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui, Flandaria est une ville qui respire la paix. Chaque recoin, chaque passage raconte un passé animé par le courage de ses habitants, et leur amour pour leur peuple.
– C’est sûr que ça, on ne peut pas vous l’enlever à vous, les Flandres de l’Ouest.
– Mon endroit préféré est sûrement le jardin Sud, celui des roses. Ses bancs en marbre blanc, ses parfums enivrants, ses coins d’ombres et de lumière. Les fontaines aux oiseaux sculptés et les autres bien vivants qui viennent s ‘ y baigner.
– Personnellement, je préfère quand même la taverne d’Apiel.
– Est-ce que ça m’étonne Gab…
– Pour une fois je suis d’accord avec toi la tâche ! Même si mon amour pour les arts me dicte le chemin de la place du théâtre. Pour le coup, je n’en ai jamais vu d’aussi grand, même à Magéari. Et les salles aux fauteuils en velours rouge, fabriquées par les Fées et cousus au fil d’or et rembourrées de coton dans l’Atelier de Pigrine.
– Flandaria est la ville des artistes. Même si elle ne peut rivaliser avec le Grand Arbre des Fées, c’est chez nous que les œuvres sont les mieux appréciées et reçues. Les plus grands érudits sont venus s’installer pour écrire, composer et façonner.
– Jasmina Risha du Quartier Arabe faisait les meilleurs spectacles de danse qu’il était donné de voir au temps d’Arsen.
– Tu n’as pas connu Perros Tun de Pigrine, au siècle dernier. Il a élaboré la plupart des opéras royaux pour mon père, de pures merveilles. Le Bal de Mouska est mon préféré.
– C’est pas le gars qui part en guerre pendant la période froide et qui meurt parce qu’il apprend la mort de sa fiancée ?
– Bah bravo Gab tu m’as spoilé !
– Je ne savais pas que tu t’intéressais à l’opéra toi ?
– Il y a tellement de choses que tu ne sais pas sur moi, petite princesse.
– Désolé d’interrompre vos miasmes de tourtereaux mais la visite n’est pas terminée ! Il nous reste à voir le meilleur encore !
– C’est à dire ?
– La mode et la gastronomie enfin ! Le goût sous toutes ses formes ! Même si vos codes vestimentaires de valent pas ceux des Pigrins, il faut avouer que vos mets sont à tomber !
– C’est vrai que le faisan à la truffe est la meilleure chose au monde !
– Vos plats en sauces sont réputés pour leur raffinement ça c’est sûr.
– Le gibier en forêt n’est pourtant pas très varié. A part les oiseaux, les autres animaux ne s’aventurent pas au-delà de la forêt des Saules Pleureurs. Quand aux champignons, ils prolifèrent un peu partout. Il y a aussi le gâteau nature aux coulis de baies et fruits des bois, le Folinois.
– Fais attention Aly, ton corset se détend déjà !
– Eh bien ce n’est pas pour me déplaire, au contraire Zit !
– En tous cas, cette robe te va à ravir, beauté.
– Tu veux rire on dirait une dinde ! C’est quoi votre délire à mettre autant de plumes partout ! Les chapeaux, les ceintures, les décolletés, les gants, même les chaussures !!
– Pas de gaspillage. On réutilise les plumes des oiseaux qu’on fait en sauce.
– Ouais et ben réinvestisser les dans la literie parce que les matelas tout fin qui te cassent le dos merci !
– C’est la mère de Loly qui a lancé cette mode des plumes.
– Heureusement que toute mode est éphémère alors !
– Sauf la tienne malheureusement, être imbuvable est une fatalité chez toi Zit…
– C’est parce que ce n’est pas une mode chérie, mais une idéologie !
– Si vous le permettez, je crois qu’on est loin d’avoir terminé, il nous reste à voir l’éducation que nous donne ton père Aly. Contrairement à Miel, le roi Liel autorise les gens de castes moyennes à suivre les cours avec les petits bourgeois prétentieux au moins j’au lycée !
– Mon père m’a toujours dit qu’une population éduqué était l’une des clés pour conserver la paix. C’est l’ignorance qui mène aux plus grands désastres.
– Et quand tu regardes Flandarem, il avait tout compris. C’est en partie pour ça que je suis venu à Flandaria. Je m’ennuyais terriblement, et surtout, je voulais faire autre chose que forgeron. Même si la plupart des jeunes artisans et commerçant reprennent l’entreprise familiale, certains peuvent espérer faire autre chose. C’est pour ça que je ne comprends pas Loly.
– C’est parce que ses parents sont d’une ancienne génération. Pour eux, il est inconcevable de ne pas continuer la tradition. C’est certes autorisé à Flandaria mais très mal vu. Surtout qu’on est obligé de changer la couleur de notre pierre de vie, lors d’une cérémonie avec les Passeurs. C’est à la fois renier ses origines et trahir en quelque sorte sa famille. C’est pour ça que vous n’avez cours que le matin. Pendant que nous, les nobles nous entraînons à l’escrime, ou la danse, vous vous travaillez avec vos parents…
– Sauf exception ! Comme mon père était toujours à Flandarem, j’ai eu droit de participer aux cours d’escrime et de corps à corps. Bon, on me regardait de travers, mais c’est peut-être aussi parce que je les ai tous éclatés !
– C’est pour ça que tu boudais quand on s’est rencontré ?
– Non, c’est parce que j’avais imaginé la princesse de Flandaria blonde, grande et douce, et je suis tombé sur une petite brune en colère
– Ooohhh mais ne sont-ils pas à croquer !
– Zit, et si tu nous parlais des avancées technologiques de notre peuple ? Avoue quand tu as débarqué avec les autres ça t’en a bouché un coin…
– C’est vrai que, depuis que nous sommes revenus et quand je compare avec les autres peuples, la différence est notable. A part pour la qualité de vos matelas, vous avez opéré de grandes avancées. Que ce soit pour l’architecture, comme on en parlait tout à l’heure, mais aussi les techniques de communication par écho, l’armement avec vos poudres à archer, vos systèmes de transports en commun… Même les groupes de musique métallique honnêtement je les soupçonne d’être des sorciers.
– Et bien tu soupçonne bien.
– Mais non !
– Et si ! Mon père a toujours travaillé pour réhabiliter progressivement la magie. En secret bien sûr, puisque c’est illégal, mais sont but est de redorer l’image des sorciers. Et faire comprendre à la population que seul Didas était dangereux et néfaste. La magie en elle-même n’a rien de risquée au contraire.
– Mais personne n’a rien deviné ?
– Non, puisque cela renvoie à ce que nous disions tout à l’heure. L’ignorance des peuples sur la magie et leur désintéressement des mécanismes. Mon père engagent des ingénieurs et des sorciers pour que les uns proposes des plans et que les autres établissent des démonstrations plausibles pour l’infime partie de public curieux.
– Ton père est un génie, Aly.
– C’est sûr Zit, mon père est un homme astucieux. Et bienveillant. Contrairement à d’autres, la tyrannie ne l’intéresse pas. Il préférera prendre plus de temps pour avoir des résultats que de risquer de nuire à son peuple et ses droits. Ses méthodes sont douces, justes et intelligentes.
– Je pense qu’il fait tout ça en partie pour toi. Pour te permettre de vivre en paix plus tard et de ne pas être obligée de te cacher.
– Peut-être…
– Mouais, il aurait quand même pu faire quelque chose pour Flandarem alors à ce prix là.
– Gab, personne ne savait ce qu’il se passait là-bas ! Je n y étais jamais allé avant la guerre.
– Et pour cause !
– Si mon père avait su, il serait intervenu c’est sûr.
– Bref les enfants, ce qui est fait est fait. Flandaria a beaucoup mieux résisté au passage des tyrans. Elle est un îlot préservé de la haine et de la décadence. Enfin, pour une majorité heureusement, même s’il reste encore à faire pour beaucoup de Flandres de l’Ouest.
– Je n’avais jamais vu de sans abris avant d’aller à Pigrine.
– Et pour cause, petite privilégiée, tu ne traînais pas souvent en ville à Flandaria. Tu te contentais de la traverser. Beaucoup de gens mendient encore leur pain. Mais il et vrai que les réformes de ton père ont permise une amélioration considérable des conditions de vie de ses habitants.
– Cependant, avec la guerre, cela ne présage rien de bien. Tout son travail va être réduit à néant… Alors imaginez pour Flandarem ! Il y aura des morts.
– Monsieur optimisme est de retour on dirait ! Bah alors Gab, on a perdu sa langue sarcastique ?
– Bon, je crois qu’on a fait le tour ! D’ici là, priez pour que Zitron soit toujours en vie !
– Woouu j’aime quand tu parles comme çaaaaaa grand fou !
Audrey Lavau

